Islam, 9 ans, indésirable pour un programme jeunesse


Islam Alaouchiche, 9 ans, rêvait de participer au jeu télévisé "In Ze boîte" suivi chaque soir par 200 000 téléspectateurs de la chaîne pour enfants Gulli. Mais quand, après avoir été présélectionné, il s'est présenté, le 16 février, accompagné de sa mère, aux studios d'Angel Productions, les responsables du casting lui ont signifié que son prénom poserait problème.

"S'appeler Islam, pour un garçon, c'est comme porter un voile pour une fille", justifie la casteuse auprès de la mère du petit garçon, qui rapporte ces propos. "Il faut que vous compreniez que le nom de votre enfant fait référence à une religion que les Français n'aiment pas beaucoup. Cela pourrait choquer", renchérit son collègue. L'équipe propose alors à Islam de troquer son prénom trop "connoté" pour un autre prénom musulman, comme "Mohammed" ou "Sofiane", rapporte un article de l'hebdomadaire La Vie. Devant le refus d'Islam et de sa mère, Farah, la production promet de les rappeler mais les Alaouchiche comprennent que le petit garçon est indésirable sur le plateau de l'émission.

Chez Lagardère Active, dont Gulli et Angel productions sont des filiales, l'affaire est gênante. Les deux entités se d'abord renvoyé la balle, la casteuse de la société de production ayant affirmé suivre les consignes du responsable des programmes de la chaîne, tandis que chez Gulli, on se défausse sur Angel productions, niant toute responsabilité de la chaîne. De son côté, la société de production continue à nier la discrimination, même si la casteuse a reconnu sa maladresse.

Finalement, Arnaud Lagardère a personnellement présenté mercredi ses excuses aux parents du jeune garçon et a "proposé au jeune Islam de venir comme candidat à une prochaine émission du jeu 'In ze boîte'". En outre, indique un communiqué de presse, Arnaud Lagardère "a demandé, ainsi que Didier Quillot, président de Lagardère Active, lance une enquête interne pour faire la lumière sur ces événements qui vont à l'encontre des valeurs défendues par le groupe et Gulli".

SOS RACISME AUSSI MIS EN CAUSE

Mais l'affaire ne s'arrête pas là. Après sa mésaventure, Farah Alaouchiche s'était tournée vers les associations, estimant que son fils avait été discriminé. D'après le témoignage de Farah rapporté par La Vie et repris par Rue89, à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde), au Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), même réponse : sans preuve, pas de plainte qui tienne la route, ce sera la parole de Gulli et d'Angel productions contre celle de Mme Alaouchiche.

Reçue par SOS Racisme, Mme Alaouchiche n'a pas apprécié l'accueil qui lui a été fait. Selon des propos reproduits dans La Vie, il lui aurait été dit qu'"il faut reconnaître qu'en France, Islam est un prénom difficile à porter". "On m'a même conseillé de conduire mon fils chez un psy !" a-t-elle ajouté.

Samuel Thomas, chargé des discriminations à SOS Racisme, s'insurge violemment contre ces déclarations : "Nous avons pris beaucoup de temps pour lui apporter notre soutien et lui expliquer les conséquences traumatisantes que pouvaient avoir sur un petit garçon une procédure judiciaire. Durant un procès, sa parole serait remise en doute et sa souffrance doublement niée."

Rue89 a publié la réponse de la personne de SOS Racisme qui a reçu l'appel au secours de Farah Alaouchiche. Celle-ci nie formellement les propos qui lui sont attribués. Et Samuel Thomas, de SOS Racisme, soutient que les propos de Mme Alaouchiche ont été déformés. Il assure aussi que SOS Racisme aidera la famille dans son action judiciaire. "Mme Alaouchiche est décidée à aller au bout de son action, nous la soutiendrons en nous portant partie civile à ses côtés", a-t-il affirmé.

La maman d'Islam a pourtant fermement maintenu ses propos – notamment sur ce que la personne de SOS Racisme lui aurait dit – dans un témoignage audio recueilli par Rue89.

"Seules 1 % des affaires de discrimination que nous traitons vont jusqu'au procès. Les lois existent mais, sans preuve, pas d'infraction", tient à préciser Samuel Thomas et "la médiatisation d'une affaire aide évidemment", le déficit d'image pouvant s'avérer dévastateur pour une petite chaîne de télévision.

Mélanie Duwat

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